La personnalité juridique est l’une des notions les plus fondamentales du Droit.
Non moins pénale que civile, elle permet notamment de se réserver les biens,
d’accomplir des actes juridiques, d’agir en justice et d’engager sa
responsabilité. Elle pourvoit le Droit de ses sujets – et ce faisant, la scène
juridique de ses acteurs.
L’essence de la personnalité juridique est fréquemment décrite comme la capacité
ou l’aptitude à être titulaire de droits et redevable d’obligations. Cette
présentation est néanmoins insatisfaisante car techniquement imprécise. En
effet, les droits et les obligations supportent chacun une dualité de nature
rendant incongrue leur réunion sous l’égide d’un même vocable : certains droits
sont des biens et d’autres, des prérogatives fondamentales ; certaines
obligations naissent de l’activité juridique d’un propriétaire et d’autres, de
faits juridiques infractionnels ou dommageables. Rénovée à la croisée du droit
pénal et du droit civil, l’essence de la personnalité juridique peut être plus
justement exprimée par la réunion de l’aptitude à la liberté et de l’aptitude à
la responsabilité. D’une part, la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui
n’est pas interdit. Elle comprend une aptitude à la propriété, qui confère une
emprise exclusive sur les biens, en ce compris les droits réels et personnels,
et une aptitude à la sûreté, qui modère par la reconnaissance de droits
fondamentaux les contraintes susceptibles d’être édictées par l’État. D’autre
part, la responsabilité oblige à répondre de ses faits juridiques. Elle comprend
une aptitude à la transgression des limites ponctuellement admises par la
liberté, et une aptitude à subir la sanction que la loi y attache.
L’existence de la personnalité juridique se manifeste sous deux formes que sont
la personnalité physique et la personnalité morale. L’une a pour socle un être
humain né vivant et viable – encore que cette dernière exigence soit critiquable
–, et l’autre, une activité humaine, généralement collective. Malgré cette
importante différence, les conditions d’acquisition de la personnalité physique
et de la personnalité morale peuvent être exprimées en des termes génériques. En
revanche, l’extinction de la personnalité juridique est bien le théâtre de
difficultés propres aux personnes physiques et surtout, aux personnes morales,
comme l’illustre l’arrêt du 25 novembre 2020 par lequel la chambre criminelle de
la Cour de cassation a admis que la fusion-absorption entraîne la continuation
de l’existence et de la responsabilité pénale de la personne morale absorbée au
sein de la personne morale absorbante.
La personnalité juridique accuse une triple unité : matérielle d’abord, en ce
qu’elle est aussi bien pénale que civile ; générique ensuite, à raison du fait
que les personnes physiques et les personnes morales répondent aux mêmes
conditions existentielles et disposent des mêmes aptitudes ; constitutive,
enfin, car la liberté et la responsabilité, attributs de la personnalité
juridique, sont indissociables, de sorte que des personnes incomplètes ne
sauraient exister.
N° d'édition : 1
Collection : Nouvelle Bibliothèque de Thèses
Parution : Avril 2025